ALTERNATIVES A LA PRISON

Parler des peines alternatives ne signifie pas qu'il suffit de faire de simples propositions de substitutions mécaniques, autrement dit de refaire un étalonnage des peines en introduisant davantage de milieu ouvert et en enfermant moins.

Il s'agit de réfléchir sur la signification de la peine, tant du côté société que du côté individuel de la personne inculpé afin de comprendre comment nous en sommes arrivés à un système barbare, inhumain et contre productif et d'inventer la fin de l'exclusion. Pour cette réflexion sur le sens de la peine, on ne peut éviter non plus de regarder de très près les causes qui génèrent les délits à savoir la violence sociale, la précarité et la misère, les concepts de concurrence et le conditionnement du « toujours plus ».

Nous sommes aujourd'hui dans un monde où l'individualisme a écrasé toute vision complexe des aspects collectifs, historiques, et prospectifs de l'état. L'approche séparatiste et séquentielle des sciences, de la technique ont poussé aussi dans ce sens, à la suite de la philosophie cartésienne. Cela nous a conditionné a n'envisager les difficultés ou les problèmes que d'une manière particulière et ponctuelle, en dehors d'un ensemble et d'une réalité globale. Notre regard est devenu parcellisé. C'est pour cela que nous en sommes arrivé aussi à stigmatiser l'individu comme si il vivait seul, en dehors de tout environnement sans aucune influence, ce qui revient à le délier de toute appartenance.

Notre façon actuelle de connaître a sous développé notre aptitude à contextualiser et nous ne savons plus relier la surabondance d'informations dans une totalité pour en comprendre la signification, les enjeux et les risques. Nous sommes restés bloqués dans l'appréhension d'un seul niveau, sans nous préoccuper des interactions, des rétroactions, délaissant ainsi la caractéristique principale et fondamentale du vivant : la complexité.

Le système judiciaire en apporte tous les jours la preuve dans ses jugements en se bornant aux faits sans véritablement se situer en fonction de l'individu, de son histoire et des circonstances.

Ce mode de pensée morcelé conduits à des actions mutilantes :

le réductionnisme, le système binaire vrai/faux, la causalité linéaire, le manichéisme bien/mal.

Dans le domaine judiciaire et carcéral tout est fait à partir cette vision pour que nous restions enfermés dans une loi du talion, maquillée de bonnes intentions, tout en sachant que c'est l'enfer qui en est pavé. L'exclusion n'a jamais été si forte et si violente depuis ces 10 dernières années et l'incarcération augmente de manière exponentielle.

Pour nous permettre de retrouver notre capacité à envisager conjointement le local et le global, l'individuel et le collectif et installer un sentiment de communauté durable il y a 2 conditions essentielles :

permettre l'essor du vécu d'appartenance à cette communauté

comprendre que la solidarité est la clé pour un meilleur vivre ensemble et donc un meilleur vivre personnel.

« En démocratie, l'état de la justice (du tribunal à la prison sans oublier les forces de l'ordre) est un marqueur extrêmement fiable de l'état des libertés, de l'égalité réelle et de la séparations des pouvoirs » nous dit la ligue française des droits de l'homme.

Nous savons qu'en France, cette même ligue dénonce une justice dure aux faibles et paralysée face aux puissants. Nombre de fois notre pays a été condamné par la cour européenne des droits de l'homme pour traitements inhumains et dégradants que le pouvoir cherche à dissimuler par des dérivatifs d'une politique sécuritaire insupportable. Il a, en conséquence, multiplié par 2 en 20 ans le nombre des prisonniers. Il en résulte que l'état cherche de plus en plus a domestiquer la justice et les principes humanistes de base sont très souvent bafoués par la police et dans les prisons. Mais cela ne suffit pas encore puisqu'il faudrait 30 000 places de prisons supplémentaires qui ne résoudront en rien le problème sinon à incarcérer davantage, en dépit d'un code pénal qui situe l'enfermement comme le dernier recours.

Dans ce contexte le pouvoir arbitraire de l'administration pénitentiaire, la surpopulation croissante produisent une déshumanisation monstrueuse. Axer exclusivement le discours de la politique sécuritaire sur la récidive est bien une manœuvre qui consiste a faire grossir un arbre pour cacher la forêt.

Il faut savoir regarder globalement : La récidive, puisqu'il en est question, dépasse le taux de 50% partout dans le monde où la prison est le principal instrument de sécurité.

A contrario, il y a d'autres exemples où la politique de prévention porte ses fruits, y compris là où on le pensait impossible. Les délits et les crimes ont été réduit significativement, voir supprimé à Medelin en Colombie, ou encore à Rio dans certaines favelas. Les pays nordiques, suède, Norvège, Finlande ont des programmes d'inclusion, ayant ainsi un taux d'enfermement bien plus bas que les autres pays du continent européen.

Beaucoup le savent mais n'en parle pas, les principales causes de la récidive sont l'emprisonnement inhumain et le rejet social. Beaucoup savent aussi que la prison, ça ne marche pas par nature et qu'elle est juste un instrument de pouvoir.

Aujourd'hui, nous devons comprendre qu'il faut qu'une peine ne soit pas l'expression d'une volonté de punition et de représailles, ni un signe de vengeance ou de pouvoir, mais bien un moyen de protection pour tous, y compris pour les auteurs eux mêmes. Protéger n'est pas exclure.

C'est dans cette approche que les propositions de l'association « renaître PJ2R » se situent.

Nous comptons sur le développement d'un état d'esprit collectif dans lequel chacun refuse la barbarie, les sanctions qui fabriquent la récidive, la politique qui exclut sans aucune démarche d'intégration, et donc favorise l'insécurité.

Cette approche demanderait un travail profond de réflexion et d'analyse. Celle ci fait partie des tâches que nous aurons à mener dans un futur proche. Mais aujourd'hui, nous ne sommes pas là pour faire un discours savant et universitaire mais offrir des propositions comme support à un monde plus solidaire, plus ouvert, et plus humain.

 

Rappelons pour ne pas oublier le contexte global que les crimes particulièrement odieux ne représente que 0,5% de la population carcérale, que la récidive concernant les crimes sexuels est très faible par rapport aux délits, dans l'ordre de 2%. Sur 66000 prisonniers aujourd'hui l'importance de ces crimes graves est inversement proportionnelle aux déchaînements médiatiques.

Précisons encore que si la loi de novembre 2009 est appliquée, la presque totalité des peines non exécutées et 80% des prisonniers effectifs sont en peines dites aménageables. Donc la question des moyens matériels et humains est réglée quantitativement si elle ne l'est pas qualitativement.

 

Les centres ouverts de liberté accompagnée ou le chemin de la réconciliation.

Outre qu'il est absurde d'exclure pour ensuite vouloir réinsérer, il est barbare de priver un individu de toutes relations familiales, affectives, sexuelles, amicales et sociales, sachant par ailleurs que cette privation est la raison essentielle de l'accroissement de la spirale de la violence.

Si l'ensemble de la société souhaite qu'une personne ayant contrevenu à la loi puisse réfléchir sur le sens qu'elle compte donner à sa vie et adhérer aux valeurs collectives, ce n'est pas en la mettant dans une situation de survie qu'elle va y parvenir. C'est la réflexion de la personne qui doit être considérée comme l'essentielle de la peine.

Il s'agit donc de se doter d'un cadre qui puisse favoriser la démarche d'introspection sans que cela devienne une thérapie au sens classique mais à la recherche d'un mieux être personnel et social.

Il s'agit donc d'un suivi de la personne dans un processus gradué qui peut aller du simple rendez vous régulier à une semi liberté, évidemment bien différente de celle qui existe aujourd'hui. On peut parfaitement envisager que l'individu soit obligé d'y dormir et que cette séparation nocturne fasse parti des contraintes.

Il semble tout à fait judicieux d'assortir cette démarche à un travail envers la collectivité qui ressemblerait aux TIG actuels avec bien évidemment une mobilisation des acteurs fournisseurs de ces mini contrats autrement plus développés qu'aujourd'hui et bien mieux accompagnés.

Il s'agira de mettre en place des accompagnateurs effectuant un réel travail social et non un suivi de contrôle comme c 'est le cas à présent. Nous l'avons dit le personnel est suffisant, même si il est a former presque totalement.

Il y aura bien sûr de la récidive, il ne s'agit pas d'être naïf. Mais nous sommes persuadé qu'elle sera extrêmement minoritaire. Il conviendra alors d'envisager un encadrement plus strict avec un ajustement du processus sur le principe que lorsqu'une maison est mal faite, on accuse pas le locataire. C'est l'architecte qui revoit sa copie. On peut parfaitement s'inspirer de l'idée que la sagesse orientale a mis en place : le soignant est payé par son client tant que celui-ci n'est pas malade. C'est une métaphore bien sûr, mais elle est à prendre dans la démarche de réflexion préventive. Nous devons aller vers une adaptation réciproque des systèmes et des individus, car le système reste et restera la production d'une création humaine. Il n'y a ni fatalisme ni déterminisme

En ce qui concerne les crimes graves et odieux, il va de soi que cela concerne des personnes ayant d'important problèmes mentaux : soit l'individu est souvent hors réalité, soit il est confronté à des pulsions qu'il ne maîtrise pas. Il ne s'agit donc pas tant d'enfermer que de soigner. Le soin ne signifie en rien qu'il y a déresponsabilisation, bien au contraire.

Il va de soi qu'il faudra redonner des moyens au secteur psychiatrique, et si la personne est dangereuse pour les autres ou pour lui même, on peut parfaitement concevoir des soins en milieu fermé, à la condition expresse que cet enfermement soit totalement respectueux de l'individu et protège ses droits fondamentaux. Cette vigilance est non seulement indispensable pour garantir le respect de tout individu, mais aussi pour l'efficacité de la démarche soignante.

On le voit donc, les prisons d'aujourd'hui ne sont plus nécessaires. Nous savons parfaitement que cette vision est totalement inconcevable pour une majorité de personnes à l'heure actuelle. C'est à nous de faire le travail pédagogique et de rappeler que parvenir à ne pas stigmatiser la part d'ombre chez un individu revoient aussi à être plus lucide quant à la sienne propre.

Je ne développe pas davantage ce point pour le moment, les questions permettront d'aller plus avant.

 

Les rencontres auteurs victimes ou le chemin de la résilience.

Il faut pour que ce dispositif soit complet se pencher sur la question des victimes afin là aussi de les sortir de l'autel où les mets la justice pour mieux les laisser tomber après coup.

Ce qui est certain c 'est que la victime, si on lui propose un choix entre des indemnités avec des années de prisons pour l'auteur ou la possibilité de comprendre et dépasser ce qui lui est arrivé, autrement dit, qu'elle puisse se poser la question : pourquoi moi ? la quasi totalité choisit le seconde opportunité.

Il s'agit bien, en effet, de sortir de la cristallisation bloquante que provoque un traumatisme afin de reconstruire et de faire repartir sa propre vie dans sa propension à créer. L'entretien de la haine et la fixation où persiste la souffrance ne permettent pas de continuer à tracer le chemin libre de toute destinée.

Bien évidemment, nous n'envisageons en rien une forme religieuse de pardon, ni l'élaboration d'une relation durable entre victimes et auteurs. C'est bien d'une démarche individuelle de part et d'autre qui se fonde autour d'une rencontre fournissant l'élan pour repartir vers ce qui fait le sens de la vie. Cette rencontre doit se réaliser en un seul rendez vous, d'une durée qui doit rester souple au cas par cas mais suffisamment conséquente pour embrasser la réalisation de ce travail

Cette démarche implique un grand travail préparatoire effectué des deux côtés, mené avec une profonde humanité afin que la culpabilisation liée au traumatisme ne se défasse pas à travers la vengeance et la stigmatisation mais sur la restauration de son intégrité pour la victime, et à la prise de conscience réelle, bien au delà des concepts, de la souffrance arbitraire causée par l'auteur, là aussi dépassant largement la question de la culpabilité, sans la faire disparaître.

Pour cela les rencontres entre victimes anonymes avec des auteurs étrangers aux faits proprement dit nous semblent une fausse piste qui non seulement passe à côté des conditions d'une véritable résilience, mais l'éloigne de son objectif. Par contre la préparation s'élabore, des 2 côtés, dans l'alternance d'une réflexion individuelle et collective des victimes entre elles et auteurs entre eux.

Nous développerons prochainement plus précisément cette démarche, mais il est préférable dans un premier temps que chaque humain citoyen ne se réfugie pas dans une technicité qui masquerait et atténuerait la nécessaire remise en cause des habitudes liées au conditionnement d'un modèle ancrée profondément en chacun, premier pas vers un meilleur vivre ensemble.




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